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Peut-on vraiment vivre mieux avec des aides sociales qu’en travaillant ? La réponse est nuancée. Deux chercheurs d’Alternatives Économiques, après des calculs précis, démontrent que si le travail reste toujours plus rémunérateur que les prestations sociales, il ne garantit pas forcément une sortie de la pauvreté. Prenons l’exemple d’une personne seule, percevant 851 € d’aides sociales : ce montant correspond à 39 % du revenu médian, ce qui la situe en dessous du seuil d’extrême pauvreté (fixé à 40 % du revenu médian).
En travaillant au Smic, cette même personne obtient un salaire net de 1 399 € et peut bénéficier d’une prime d’activité de 258 €, soit un total de 1 657 €. Ce revenu lui permet de sortir de la pauvreté. Cependant, les calculs révèlent qu’avec une famille à charge, ce revenu devient insuffisant pour dépasser le seuil de pauvreté, exposant une réalité : le travail seul ne garantit pas toujours une vie décente.
La pauvreté et le Smic : des limites évidentes
En France, une personne est définie comme pauvre si ses revenus sont inférieurs à un certain pourcentage du revenu médian. En 2022, ce dernier s’élevait à 2 028 €. Le seuil de pauvreté varie entre 40 % (811 €), 50 % (1 014 €) et 60 % (1 216 €) de ce revenu médian. À titre de comparaison, le Smic net était de 1 399 € avant d’être revalorisé à 1 426,30 € fin 2024. Pour Anne Brunner, de l’Observatoire des inégalités, ces chiffres montrent que les prestations sociales, comme le RSA, restent largement en dessous du seuil de pauvreté. Avec un montant fixé à 559 €, le RSA n’offre qu’un maigre filet de sécurité.
Non-recours et précarité de l’emploi : des facteurs aggravants
Un aspect souvent occulté dans le débat public est celui du non-recours aux aides sociales. Selon la Drees, en 2018, 34 % des foyers éligibles au RSA ne le réclamaient pas chaque trimestre, et 20 % ne le faisaient pas sur trois trimestres consécutifs. Cela représente près de 750 millions d’euros non-versés chaque trimestre. Parallèlement, la précarité de l’emploi accentue ces inégalités. En 2023, 16 % des salariés avaient un statut précaire, un taux deux fois plus élevé qu’en 1980. Cette instabilité touche particulièrement les moins de 25 ans et les femmes, qui constituent 75 % des travailleurs à temps partiel imposé.
Quelles pistes pour réduire ces inégalités ?
L’Observatoire des inégalités propose plusieurs solutions. D’une part, étendre le RSA aux jeunes adultes de 18 à 25 ans vivant hors du foyer parental et en relever le montant. Anne Brunner estime que la France pourrait garantir un revenu minimum de 1 000 €, soit 50 % du revenu médian, à toute personne en situation de pauvreté. Par ailleurs, des dispositifs comme la solidarité à la source, en test dans plusieurs départements, pourraient simplifier les démarches et réduire le non-recours.
Malgré certaines critiques, le soutien aux plus démunis reste une priorité pour de nombreux Français : en 2023, 80 % d’entre eux exprimaient leur inquiétude face à la pauvreté, et 50 % considéraient les actions publiques comme insuffisantes. Simplifier les systèmes d’aide et renforcer leur accessibilité apparaissent comme des réponses essentielles pour sortir durablement de la précarité.